La naissance d’une fée — épisode 2 / 2

Bonsoir !

Comme son titre l’indique, ce texte fait suite à « la naissance d’une fée – épisode 1/2« .

Pour rappel, j’avais écrit l’épisode 1 dans le cadre de l’atelier d’exercices d’écriture des Plumes d’Asphodèle. Il y a un nouvel atelier cette semaine, mais les mots étaient trop éloignés de l’univers « fantasy » pour que je puisse les exploiter pour conclure mon histoire de la naissance d’une fée. J’ai donc décidé d’écrire cette suite « hors atelier ».

Mais ne vous inquiétez pas ! J’écrirai AUSSI un texte pour les plumes, en utilisant les mots de la semaine. 🙂

Mais à présent, place au texte ! Je vous souhaite une bonne lecture, ainsi qu’une bonne soirée:

La naissance d’une fée, épisode 2/2

Après s’être réceptionnée à quelques mètres de Livianne, l’arachaure rejeta la tête en arrière pour émettre une série de claquements secs. Elle se précipita ensuite sur un premier œuf qu’elle transperça de ses crocs. Des bruits de succion se firent entendre et la fée assista, impuissante, au festin de la femme-araignée. Après quelques instants, la créature envoya la coquille se briser contre un rocher. Un embryon inerte, presque un bébé, glissa sur l’herbe. Il ne fallut que quelques secondes à la prédatrice pour le déchiqueter entre ses mandibules, ne laissant derrière elle qu’un cadavre mutilé.

L’arachaure tourna alors son attention vers un second œuf et le massacre se poursuivit ainsi de longues minutes avant que Livianne ne parvienne enfin à se redresser sans être prise d’un malaise. Le spectacle atroce des carcasses des nouveau-nés l’emplit de désespoir. Pourtant, l’un des œufs n’avait pas encore subi la faim dévorante de l’araignée et Livianne sentit ses forces lui revenir. Elle battit des ailes, s’enveloppa d’un écran de poussière magique et harangua son ennemie. Celle-ci se dirigeait déjà vers l’ultime survivante de la couvaison.

— Celui-là, tu ne l’auras pas, monstre !

L’arachaure tourna ses yeux de braise vers l’imprudente qui osait lui tenir tête. Elle émit un long crissement, fit quelques pas sur le côté, en arrière, puis bondit sur Livianne, passant à l’attaque sans crier gare. La fée s’envola au dernier instant, esquivant avec agilité les crocs mortels de son adversaire. La créature se retrouva immergée dans la poussière de Livianne. Celle-ci mit ses mains en porte-voix devant sa bouche et souffla dedans. Un vent puissant se leva, renforçant la magie qui entourait l’arachaure. Une multitude d’entailles ensanglantèrent son corps et elle cria de douleur. Ses jambes ployèrent sous son propre poids et il sembla qu’elle allait succomber, mais elle se propulsa vers le haut avec l’énergie du désespoir. Un long fil jaillit de son abdomen pour s’enrouler autour d’une branche d’arbre. En un éclair, l’araignée était hors d’atteinte. Ses yeux se fixèrent sur Livianne, qui hésita un instant de trop et ne put échapper à la toile que l’arachaure projeta tout à coup dans sa direction.

Ses ailes engluées, prisonnière d’une gangue plus solide que du métal, la fée vint s’écraser à terre, la tête la première. Lorsqu’elle rouvrit les paupières, un voile noir lui obscurcissait le champ de vision et ses tempes battaient sous l’effet d’une atroce souffrance. Les mâchoires de l’araignée se refermèrent dans son cou et Livianne vomit, sans rien pouvoir faire pour s’en empêcher. Vaincue, elle se détendit, tandis que sa prédatrice s’apprêtait à lui donner le coup de grâce. Mais au tout dernier instant, une violente bourrasque se saisit de la créature et de sa proie et les expédia en l’air.

Livianne crut qu’elle allait percuter le sol, mais un filet invisible la soutint et la déposa sur l’herbe avec douceur. Puis, des mains la délivrèrent de la toile qui l’enserrait. Lorsqu’elle reprit conscience, plusieurs fées l’entouraient. Elle voulut se relever, mais ses jambes la trahirent et elle s’écroula tel un pantin sans fil. Ses sœurs la fixèrent, au désarroi. L’une d’elles s’approcha et recouvrit Livianne de sa poussière. Elle se sentit mieux, un instant, mais le froid glacial qui s’insinuait peu à peu dans ses membres refusa de céder du terrain. Au contraire, il s’étendit aux ailes, qui retombèrent à terre. Livianne tenta de les faire battre, une fois, deux fois, mais en vain.

Je vais mourir ?

Au moment où elle comprit enfin ce qui lui arrivait, elle vit le corps désarticulé de l’arachaure : la créature gisait à côté de l’œuf resté intact. Livianne rassembla ses dernières forces et rampa dans sa direction. Interloquées, ses sœurs l’accompagnèrent, lui faisant sans s’être concertées une procession funèbre empreinte de respect et de discrétion.

Procédant par étapes pour s’économises, Livianne longea le cadavre de l’araignée. Celle-ci semblait l’observer. Si elle avait tendu le bras, Livianne aurait pu la toucher, mais elle se contint. Au contraire, se détournant de celle qui l’avait brisé, elle continua sa lente progression jusqu’à atteindre l’unique survivant du massacre. Prise d’une soudaine impulsion, elle enlaça l’œuf et pleura en silence.

Les sœurs de Livianne chuchotèrent, mais elles ne firent rien pour empêcher ce qu’il advint ensuite. Car peu à peu, les larmes de Livianne se changèrent en un diamant aux mille facettes.

— Un joyau-âme, murmura l’une des fées, empli d’une secrète admiration pour la mourante.

Comme la vie quittait Livianne, l’étoile pénétra l’œuf. Après quelques instants, une douce lueur le baigna de l’intérieur et la forme qu’il renfermait s’agita. Des fissures s’étendirent à sa surface et il s’ouvrit soudain. Le nouveau-né se retrouva allongé sur le sol et il leva les mains vers le ciel en gazouillant. Deux paires d’ailes chatoyantes et dorées se déployèrent dans son dos et lui firent un cocon de lumière. Seuls ses yeux, aux prunelles violettes, demeurèrent visibles au travers de ses élytres.

L’une des sœurs qui avaient tenté de sauver Livianne s’approcha de l’enfant-fée. En quelques battements d’ailes, elle l’enveloppa d’une fine poussière pour lui souhaiter la bienvenue.

— Tu t’appelleras Luynivianne, car Livianne t’a protégée. Tu es désormais une féérique. Le joyau-âme confié à ta garde a développé le don que tu renfermais en toi, qui semblait pourtant prêt à s’étioler avant même ta naissance. Mon nom est Dranil et je ferai tout pour te montrer la voie, jusqu’à mon départ pour les rives de la mort.

L’enfant-fée regarda la femme qui venait de parler, puis elle lui sourit et lui tendit les mains. Dranil se pencha en avant et l’enlaça.

Le cycle de la vie continuait sur sa lancée, imperturbable.

 FIN

8 réflexions sur “La naissance d’une fée — épisode 2 / 2

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  3. Une très jolie fin, un très joli conte surtout ! Bravo, j’ai vraiment apprécié cette histoire ! 🙂 J’aime beaucoup l’idée de la transmission…et la vie qui continue ! La fée ne s’est pas fait tuer pour « rien » (si tant est que l’on meure pour quelque chose^^) !

    • Hello Asphodèle, je suis ravi que cette nouvelle ait su te plaire jusqu’à sa conclusion ! 🙂 Il paraît effectivement étrange de s’imaginer mourir « pour quelque chose » vu que quand on est mort, hé bien… ^^’… On ne profite plus vraiment de ce pour quoi on a lutté. L’idée que d’autres meurent pour nous permettre de vivre a un côté chevaleresque et c’est en même temps un peu effrayant, je trouve.

      • Pascal : c’est la loi de la Nature (avec un grand et un petit « n ») que certaines espèces meurent pour d’autres et souvent pour nous pauvres humains présomptueux ! L’idée de mourir « pour quelque chose », outre le fait d’être chevaleresque fait passer l’idée de mourir qui est stupide de toute façon, alors tant qu’à faire…;) Mais dans la Nature, c’est beaucoup plus « carré » et c’est courant…

  4. Je déteste définitivement les araignées !!! 😛
    Quel beau passage d’énergie vitale au travers de ton conte. Ça me fait penser un peu à la philosophie bouddhiste d’une vie après la mort.

    • Bonsoir Réjanie, je te remercie d’avoir aimé ce texte et l’idée de passation d’énergie vitale / magique qui en ressort. En effet, on peut y voir une sorte de cycle de réincarnation. 🙂

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