Comme un sentiment de manque, en automne…

Bonjour tout le monde !

[Apparté]: vous aimez la science-fiction? N’hésitez pas, l’épisode 1 du « Chant de l’Arbre-Mère » est téléchargeable gratuitement sur les sites de la Fnac, d’Amazon et d’iTunes ! [FIN d’apparté]

***

Cette semaine, après 5 longs mois d’absence, l’atelier d’exercice en écriture d’Asphodèle reprend du service !

Je vous propose cette fois-ci un texte radicalement différent de ceux que je vous propose d’ordinaire. Point de magie, pas de fantastique, de la romance ! Etonnant, non?

Alors, pari réussi? C’est à vous de me le dire.

Comme un sentiment de manque, en automne…

Les feuilles d’automne volent sous le vent et je frissonne, indécise. Je me sens vide, incapable de me concentrer sur ce qui m’entoure. La forêt est pourtant belle, avec ses allées bordées d’arbres aux parures mordorées. Avant, j’avais l’habitude d’aborder cette période de l’année avec philosophie. Je prenais prétexte de cette petite mort de la nature pour réfléchir au sens de la vie et redonner ainsi un nouvel élan à ma propre existence. Aujourd’hui, le cœur n’y est plus.

Avant l’accident, avant ces douleurs qui, pendant trois longues années, me clouèrent au lit et me firent si souvent hurler à la mort, j’étais d’humeur légère. Je riais.

C’est bien loin, tout ça. J’ai changé.

Rageuse, je foule aux pieds les feuilles jonchant le sol.

Toi, Pierre Brûle, médecin français renommé, tu as franchi l’atlantique pour venir me sauver. Tu disais vouloir embellir ma vie et je t’ai fait confiance, mais tu m’as trahie ! Pourquoi a-t-il fallu que tu partes ?

Enfin quoi, as-tu idée de la force de mon amour pour toi ? Qu’aurais-je dû faire pour que tu me voies telle que j’étais, par-delà les ravages de ce mal qui me rongeait de l’intérieur ?

Tu avais trois fois mon âge, je crois, peut-être davantage. Je ne devais être à tes yeux qu’une gamine capricieuse. Seule ma « pathologie » t’intéressait, je l’ai vite compris. Tu ne voulais pas conquérir un cœur, mais vaincre la mort ! Alors, pendant plusieurs mois, tu as vécu chez nous et j’ai été ton unique patiente. Mon père te payait grassement et tu espérais devenir encore plus célèbre grâce à mon cas.

« On ne rencontre cette maladie que dans les livres », m’as-tu dit.

Pour finir, tu as guéri mon corps et je n’ai plus eu à subir ces coups de poignard incessants qui allaient me rendre folle, mais mon esprit s’est obscurci et mon jugement s’est altéré. Je ne me reconnais plus : à seize ans, je suis tombée amoureuse. De toi.

Il y a une semaine, jour pour jour, je t’ai entendu annoncer à mes parents que j’étais enfin « tirée d’affaire ». Plus tard, dans l’après-midi, tu as profité de mon sommeil pour partir comme un voleur. Je jurerais que tu m’as droguée. Inconsciemment, tu devais avoir peur que j’essaye de te retenir.

Ton départ me laisse dans une impasse. Ton apparition dans ma vie évoque en moi un trop bref interlude de poésie au milieu d’un océan de tortures. J’ai connu la plénitude en ta compagnie : j’avais soudain en moi un trop-plein d’émotions contradictoires et violentes qui ne m’accordait aucun répit. Cette énergie que tu avais instillée en moi, il fallait bien que j’en fasse quelque chose !

Mais peut-être es-tu marié ? Si ce n’est pas le cas, tu finiras par rencontrer quelqu’un, c’est inévitable. Hélas, le temps lui-même joue contre nous et ta fuite me laisse dans le dénuement le plus total.

Mais ne t’inquiète pas, je sais où te chercher. Coup de bol, ou signe du destin ? Un matin où j’étais au plus mal, pour me distraire, tu m’as décrit ta ville et révélé son nom : Maintenon, en France.

Je suis guérie, dis-je. Mais dès que je fais des efforts, la tête me tourne, je chavire. Je serai patiente. Assise sur les marches couvertes de feuilles aux reflets cuivrés de cet escalier en marbre rose, j’attendrai que les forces me reviennent. Tu aimais t’accouder à cette rambarde dont les courbes te paraissaient « suggestives ». Au fil des semaines passées en ma compagnie, tu as laissé en ces lieux plus que de simples empreintes. Me retrouver ainsi confrontée à « ton » escalier est un déchirement. Ce lien qui m’unit à toi, je ne l’ai quand même pas inventé ?

Dans mes pires cauchemars, je t’imagine debout dans un bus. Il t’emmène loin de moi. J’ai besoin de toi. Ne me demande pas de me rationner : je te veux et je t’aurai. Même si tu m’as abandonnée, je t’ai pardonné, mon Amour. Privé de toi, j’ai froid. Peut-être, lorsque je t’enlacerai, un peu de ta chaleur me gagnera-t-elle.

Me reconnaitras-tu seulement ?

FIN

Mots à exploiter, tirés du blog d’Asphodèle – Les plumes de l’écriture: je crois bien avoir utilisé tous les mots. 🙂

Frissonner, vide, humeur, plume, embellir, enfin, sommeil, drogué, impasse, poésie, torture, plénitude, trop-plein, youpi, énergie, absence, temps, dénuement, bol, idée, déchirement, bus, besoin, rationner, abandonné.

Les plumes d'Asphodèle

24 réflexions sur “Comme un sentiment de manque, en automne…

  1. Pingback: LES PLUMES 45 – LES TEXTES DU MANQUE ! | Les lectures d'Asphodèle, les humeurs et l'écriture
  2. Effectivement, difficile d’écrire de la SFF avec ces mots.

    Ou alors, je propose quelque chose comme :
    Prisonnier de mon scaphandre, la pensée du vide sidéral qui m’entourait me fit frissonner. Je n’étais pas d’humeur à embellir ma situation : perdu à des millions de kilomètres de toute station orbitale, j’aurais pu rationner mes réserves d’oxygène pour gagner du temps en essayant de me laisser aller au sommeil, mais à quoi bon ? Abandonné de tous, je n’avais pas besoin de me mentir : je ne disposais d’aucune énergie pour me propulser, d’aucune destination que j’aurais pu rêver d’atteindre, mon dénuement était si extrême que je ne pouvais trouver la moindre idée pour sortir de cette impasse. Drogué par l’ivresse spatiale, j’écrivais à la plume sur l’écran noir de l’absence une poésie qui décrivait la torture de l’attente. Je voulais dire adieu à la vie, mais j’éprouvais à cette pensée un véritable déchirement : mon histoire ne pouvait s’arrêter là, je ressentais en moi un trop-plein de possibles et j’aspirais plus que tout à boire un grand bol de vie et d’amour, à ressentir la plénitude d’une marche en forêt ou d’un banal trajet de bus. Pas de quoi crier « youpi ! », mais ces pensées m’empêchaient au moins de sombrer dans le désespoir.

    • Bravo, Guy ! Tu t’en tire très bien, et de façon beaucoup plus concise que moi. 🙂 Asphodèle, la tenancière de l’atelier, semble avoir bien aimé ton texte, d’ailleurs. Que dirais-tu de participer à nos séances bi-mensuelles, hein? 😉

      • Participer à un petit atelier d’écriture bimensuel ? Pourquoi pas, en remplaçant un de mes billets de blog par un texte littéraire. Les contraintes, comme tu l’exprimes, nous aident à sortir de l’ornière de nos habitudes. Une série de mots comme celle-ci aident l’imagination à voyager.

  3. Mais c’est pas mal du tout !!! C’est très « fleur bleue », on sent que tu ne navigues pas dans ta « zone de confort » mais c’est bien de tenter d’en sortir de temps en temps et cette histoire ne m’a pas ennuyée une seconde, j’ai beaucoup aimé ! Bravo pour ton bel effort et je t’encourage à continuer de temps à autre, ça ne pourra pas te nuire, bien au contraire ! 😀 Un écrivain se doit de pouvoir TOUT écrire non ? 😉
    Bravo aussi à Morantguy ci-dessus qui a une belle plume et un art de la concision que j’apprécie !!! 🙂 Bonne fin de journée !

    • Bonjour Asphodèle. Cela me fait très plaisir que tu aies aimé ce texte. C’est vrai qu’on est loin de ma zone de confort, comme tu le dis si bien ! 🙂
      Et Guy sera ravi de voir que tu as lu et apprécié son texte également ! Si tu ne le connais pas, je t’invite à découvrir ses textes. Il écrit pour la jeunesse et j’avoue que celui de ses romans que j’ai lu m’a bien plus.

      Bonne journée à toi aussi, Asphodèle !

      • Tu sais que je suis toujours sincère avec toi, quitte à être un peu harpie parfois, je te dis ce que j’en pense ! Oui je trouve Guy très talentueux, j’irai voir plus tard ce qu’il fait (j’ai noté son nom pour le googliser), là j’ai des textes à lire et demain j’ai du monde jusqu’à mardi matin, ça va être chaud ! 😉 Bises

  4. Pingback: 538 mots de plumes légères | Chez Mahie
  5. La passion est toujours dangereuse, mais l’amour ne saurait se contenter de demi-mesures.
    C’est difficile pour un homme d’écrire dans la peau d’une femme (et vice-versa)
    Tu t’en sors vraiment bien je trouve, ça sonne juste.
    ¸¸.•*¨*• ☆

    • Bonjour Célestine,
      Je n’avais pas vu ton commentaire, qui était resté dans les « à valider » depuis ce week-end, du coup. J’espère que tu ne m’en voudras pas !
      Je te remercie pour ton avis positif, qui me fait très plaisir, d’ailleurs. 😉

    • Merci Ceriat ! 🙂 c’est clair que c’était un vrai pari. J’aimerais faire évoluer mon style. Ajouter de la romance dans mes futurs romans et nouvelles de fantasy, sf. ^^ bon là c’est très fleur bleue comme dit Asphodele ^^

  6. Je trouve à cette romance un côté plutôt inquiétant, en fait : on a l’impression que la jeune fille est prête à n’importe quoi pour récupérer son Amour … Mais c’est peut-être moi qui projette mes mauvaises pensées sur ton texte, on sait bien que le lecteur s’approprie les choses pour les voir à sa façon 😉 !

    • Tu n’as pas tout à fait tort,, Brize ! Il y a en effet un côté inquiétant à l’amour de la jeune fille pour ce quinquagénaire de médecin. À sa place, je me méfierais ! 😉

  7. Bonjour,
    Comme nous ne nous connaissons par au-travers de nos écrits, j’ai pu lire ce texte sans aucun à priori et la zone de confort je ne la connais pas 🙂
    J’ai beaucoup aimé ce récit. Une femme blessée et délaissée qui s’est dit qu’elle allait retrouver son amoureux. Surtout à cet âge là, la fougue l’emporte sur la raison, le cœur. Wouaw, cela pourrait donner un sujet on ne peut plus détonnant. Non pas un roman comme Lolita de Boulgakov, mais quelque chose de bien différent. En tout cas l’intérêt est suscité et j’aimerais bien connaître la suite. 🙂
    Va falloir que j’aille creuser le blog pour aller lire les textes de SF ou fantastiques 🙂
    Amicalement.
    Geneviève

    • Bonjour Geneviève, je vous remercie d’avoir lu et apprécié mon texte ! 🙂 J’espère que mes productions plus orientées SFFF vous plairont également, si d’aventure vous creusez davantage mon blog. 😉 Bonne journée !
      Bien à vous,
      Pascal

  8. Amoureuse de son médecin…il paraît que c’est courant et les médecins ont tout intérêt à garder leur sang-froid, il n’y a pas dans leur clientèle que d’avenantes jouvencelles. 😀 Cette jeune fille a un comportement inquiétant, il ne faudrait pas que cela tourne à l’obsession ! La fleur bleu pourrait se transformer en romance tragique ! 😉

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