Terra Nova – S1E5 – Androïde

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Prologue et Sommaire des épisodes

Résumé des épisodes précédents :

Denis Law et Lena Dantes sont chargés d’enquêter sur une tentative d’infiltration de la salle de navigation du vaisseau-planétoïde Terra Nova.

Les régulateurs du secteur de Néotopia leur donnent carte blanche pour rétablir la sécurité.

Les deux agents se rendent chez Heinrich Sammer, dirigeant influent de la confrérie des Doryphores, dans l’espoir que celui-ci ait des réponses à leur apporter.

Un androïde les guide vers la demeure du mystérieux Monsieur Sammer, au milieu d’un paysage digne de la mythique Terre.

 

Épisode cinq :

— Prouvez-moi que vous êtes Heinrich Sammer.

Le silence se fit. Lena fixa Denis, sans laisser paraître la moindre émotion. D’abord interloqué, Heinrich rejeta la tête en arrière et éclata d’un rire franc, presque joyeux. Lorsqu’il parvint à calmer son hilarité, de petites larmes perlaient au coin de ses yeux.

— Vous êtes quelqu’un, vous. Ça alors ! On ne me l’avait jamais faite, celle-là. « Prouvez-moi que vous êtes Sammer », répéta l’adolescent en imitant la voix de Denis.

Puis, son regard se fit de glace et il eut un geste bref de la main droite. Le majordome MC-130 pénétra dans la pièce et ceintura Denis.

— Je vous suggère de lui dire de me lâcher.

— Et pourquoi le ferais-je ? Éclairez ma lanterne, je vous prie : explique-moi qui de nous deux est en position de force.

— Ça me paraît évident.

Denis scrutait son interlocuteur. Heinrich fit un nouveau mouvement du bras pour donner un ordre à son serviteur. Lena agit aussitôt. D’un bond, elle fut sur le robot. Celui-ci recula d’un pas. Denis en profita pour se libérer et se laisser tomber en avant. Lena saisit MC-130 par le cou et poussa, l’envoyant s’écraser contre un mur. Sous le choc, la tête du majordome éclata. Pris de vertige face à la tournure des évènements, Heinrich se leva, stupéfait. Denis le visait avec un pistolet. Les yeux d’Heinrich s’agrandirent lorsque l’agent des régulateurs pressa la détente. Le projectile fut stoppé net à un mètre de sa cible. Denis remit son arme dans son holster et se rassit.

— Vous êtes bien Heinrich Sammer. Les champs de force individuels sont trop rares pour être confiés à un subalterne.

Lena, après avoir rajusté sa tenue, fit face à leur hôte. Elle s’inclina, rigide, buste ployé vers l’avant et bras le long du corps.

— Veuillez excuser le comportement inqualifiable de Monsieur Law ainsi que le mien, Monsieur Sammer. Il n’a jamais été dans nos intentions de vous faire du tort ou de risquer de vous blesser. Nous transmettrons à nos supérieurs un rapport détaillé sur les circonstances de ce malencontreux incident.

Heinrich ne semblait pas l’avoir entendue.

— Mais c’est… Êtes-vous un cyborg ? Et cette arme ! Comment a-t-elle pu franchir mes systèmes de sécurité sans être détectée ?

— De quoi parlez-vous ?

Denis paraissait sincèrement étonné. Il écarta les pans de sa veste : son holster avait disparu.

— Camouflage moléculaire… Je vois. Le régulateur Uneus vous a trop bien équipé. Il me doit des explications.

Heinrich se rassit et Lena se redressa, avant de l’imiter. Heinrich semblait calmé. Il s’appuya sur les accoudoirs de son fauteuil, mains jointes en un triangle au niveau de son visage, puis se pencha en avant et fixa Denis. Ses yeux s’étaient étirés pour ne plus former que deux simples fentes sombres, impénétrables.

— Tout ceci m’a coupé l’appétit. Venons-en au fait : qu’attendez-vous de moi ?

Denis se laisser aller en arrière, contre son dossier.

— Vous avez participé aux travaux destinés à assurer la protection de la salle de navigation de notre vaisseau.

Ce n’était pas une question. Heinrich hocha la tête et Denis poursuivit.

— Nous avons besoin de savoir qui, à part vous, a pu avoir accès aux plans du dédale entourant la zone.

Heinrich réfléchit quelques instants. Puis, il soupira et se passa la main dans son abondante chevelure brune.

— Quatre personnes, cinq tout au plus, sont concernées. Je vous envoie la liste immédiatement.

— Reçu, indiqua Denis presque aussitôt.

— Quoi d’autre ?

— Votre emploi du temps, ainsi que celui de votre famille et de vos proches au cours des dix derniers mois, est en train d’être examiné de près. Si vous avez quoi que ce soit à vous reprocher, nous le trouverons.

— Je n’ai rien à cacher aux régulateurs.

Heinrich semblait mal à l’aise, mais il n’ajouta rien. Denis pencha la tête du côté droit, le regard soudain vague. Sur sa rétine venait d’apparaître l’image en 3D de l’un de ses informateurs.

— Oui, c’est moi, dit Denis à voix haute. Soyez bref. Je vois. Nous arrivons.

Puis, il se tourna vers Lena.

— Je viens de recevoir un appel urgent. Nous sommes attendus. As-tu quelque chose à demander à notre hôte ?

Lena esquissa un léger sourire avant de s’adresser directement à Heinrich.

— Nous tenons une fois encore à vous présenter nos excuses pour les désagréments occasionnés. J’ai cependant une dernière question à vous poser avant de vous débarrasser de notre encombrante présence : l’un des employés humains enregistrés sur votre domaine est porté disparu depuis cinq jours. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi l’information n’a pas été communiquée aux régulateurs de Néotopia ?

Un blanc suivit,  qu’Heinrich rompit finalement en se raclant la gorge.

— Je n’ai pas à rendre compte des allées et venues de mes salariés.

— C’est votre réponse ?

— Tout à fait.

Lena se leva et adressa un franc sourire à son interlocuteur.

— En ce cas, il me reste à vous remercier pour votre coopération, Monsieur Sammer. Inutile de nous accompagner, nous saurons trouver notre chemin.

Denis se mit debout à son tour. Les deux agents saluèrent leur hôte et prirent congé. Quatre robots les attendaient dans le couloir, leur taser à portée de main. Heinrich les rejoignit. Il avait déjà recouvré l’entière maitrise de ses nerfs et observa Denis et Lena d’un air neutre.

— Permettez, j’insiste. Mes serviteurs vous protégeront jusqu’à ce que vous ayez quitté mon domaine.

— C’est que nous avons encore à faire dans le coin, indiqua Denis. Nous avons réservé une chambre à l’hôtel Carpey.

— Mes robots vous y mèneront. Au revoir. Ce fut un plaisir.

Les yeux d’Heinrich démentaient ses propos amicaux. Le sourire qu’il affichait semblait le fruit d’un tic plutôt que d’une volonté délibérée. Il n’ajouta rien, mais son regard parlait pour lui. Comme un seul homme, les serviteurs d’Heinrich Sammer s’inclinèrent devant les agents Denis et Lena avant de les escorter jusqu’à leur taxi. Celui-ci les attendait toujours à la même place, au niveau de la guérite de ZX-521.

— Je me suis permis d’indiquer à l’IA de votre véhicule le plus court chemin vers votre hôtel, expliqua le robot gardien. Vous y serez dans une petite demi-heure, tout au plus.

Puis, il s’éloigna pour reprendre son poste de garde-barrière. Une fois dans le taxi, Denis éclata de rire.

— Je ne comprends pas ce qui peut vous amuser ainsi.

Le sourire de Lena semblait moins lisse qu’à l’accoutumée. Son chignon était légèrement de travers et elle le remit en place après s’être observée dans un miroir.

— J’en étais sûr, lui dit Denis.

— De quoi parlez-vous ?

— Tu ne peux plus le nier, à présent. Tu es un robot, Lena.

La jeune femme leva le bras droit et le tourna vers Denis, paume vers le haut, avant d’en effleurer la peau avec les doigts de son autre main. L’épiderme s’ouvrit sur toute sa longueur, révélant des os de métal protégeant une multitude de câbles électriques.

— Mon corps n’est peut-être pas fait de chair et de sang, mais mon cerveau est bel et bien organique. Je ressens des émotions. Je suis humaine, tout comme vous.

Denis rit de plus belle. Lena se renfrogna et détourna le regard. Elle semblait vexée. Le taxi avait démarré pendant leur discussion et roulait à vive allure au milieu de vastes champs. Le mur séparant le domaine d’Heinrich Sammer du reste du quartier des Doryphores s’était déjà sensiblement rapproché et était désormais bien visible à l’horizon.

— On n’a pas tiré grand-chose de cet étrange bonhomme, mais on n’est pas venu pour rien : au moins, à présent, je connais ta véritable nature. Ne fais pas cette tête. Tout ça m’amuse beaucoup.

De fait, il semblait excité comme un enfant face à un nouveau jouet. Lena se fit plus sombre encore.

— Vous auriez pu vous faire tuer, c’était idiot de votre part de provoquer ainsi Monsieur Sammer. Si je n’étais pas intervenu, vous ne seriez plus de ce monde. Vous êtes fou, Denis.

— « Denis » ? Je ne suis plus « Monsieur Law » ? On progresse, c’est bien.

— Je vous trouve énervant. Avec vous, on ne sait jamais sur quel pied danser. Tenter de vous suivre sur votre terrain, c’est prendre le risque de se frotter à un tourbillon mental. C’est ce que vous voulez entendre ?

Lena ne souriait plus, à présent. Elle fronçait les sourcils, mais le résultat n’était rien moins que crédible.

— Arrête donc de te forcer, Lena. Sois toi-même, ce sera déjà pas mal. En tout cas, ton épiderme est extraordinaire. Malgré tous les types de capteurs dont je dispose, je suis incapable de voir autre chose en toi qu’une humaine des plus banales. Si je t’ausculte à coups de rayons X, c’est un squelette qui apparaît. Et les veines qui courent sur ta peau sont une merveille d’imitation.

— Je me répète, je ne suis pas une machine.

Denis secoua la tête, surpris par le déni dont faisait preuve Lena.

— Il faut savoir s’accepter comme on est, Lena. Chacun ses qualités et ses défauts, ses habitudes et ses vices. Tiens, d’ailleurs, j’espère qu’il y aura un minibar dans ma chambre. Un peu d’alcool me ferait le plus grand bien, je crois.

— Je ne pense pas que ce soit prévu.

Denis s’assombrit, avant d’évacuer le problème d’un haussement d’épaules.

— Tant pis. Je ne m’enivrerai donc pas, ce soir. Je m’y attendais un peu, j’avoue. Quelle est la suite du programme ?

— Dormir.

Le véhicule ralentit. Ils avaient franchi sans encombre le poste frontière séparant le domaine d’Heinrich Sammer du reste de la ville et longeaient la façade sud de l’hôtel Carpey. C’était un bâtiment haut de cinq étages, aux murs lisses et propres. Rien ne le distinguait des constructions alentour, si ce n’est l’enseigne lumineuse de couleur rouge vif qui surplombait son entrée principale.  Ils s’engagèrent dans le parking souterrain de l’hôtel. Le portail s’effaça devant eux puis se referma sans un bruit.

La nuit promet d’être longue, songea Denis. Il n’avait pas aimé le regard que leur avait lancé Heinrich Sammer avant de les laisser partir. Il ne va pas en rester là. J’aurais peut-être dû le ménager un peu. Mais sans un peu de piment, à quoi bon vivre ?

Mots à exploiter, tirés du blog d’Olivia Billington – Des mots, une histoire :

Tourbillon / baïne / valse / dégringoler / étage / vertige / enivrer / alcool / poème / rime / raison.

Soit vous prenez tous les mots, soit vous en sélectionnez minimum cinq et vous ajoutez la consigne suivante : il doit y figurer une conversation téléphonique.

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15 réflexions sur “Terra Nova – S1E5 – Androïde

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  2. J’ai eu un peu de mal avec le début, j’aurais peut-être dû lire les épisodes précédents… Quand je te disais que la SF et moi… 😛

  3. Il y a un changement par rapport aux épisodes précédents, on sent nettement plus de tension et effectivement maintenant, les personnages me font penser à Asimov.
    Au début, et malgré un début un peu sanglant, on avait l’impression d’un ton un peu badin et tranquille, une sorte de promenade agréable. D’ailleurs du coup, en disant cela, cela me fait me demander si l’épisode ou Lena a tué tous ces gens était vraiment réel, à moins que ce soit Lena elle-même qui soit irréelle.
    Ici, on commence à avoir l’impression que tout n’est pas si simple et que derrière un paysage feutré il y a des tensions importantes et des volontés de pouvoir, voir de nuir.
    Episode important donc, qui change notre manière de voir les choses, même si l’on ne sait pas encore vraiment ou l’on va. Pas mal fait, belle écriture.

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